Doit-on craindre la robotisation en entreprise ?

L’exemple de Vera le robot recruteur

Chaque jour apporte son lot d’innovations et le secteur des Ressources Humaines n’est pas en reste. La création et l’implémentation de Vera – le robot recruteur – soulève de nombreuses questions : chercherait-t-on à déléguer l’activité de recrutement, pourtant hautement importante, à des machines ? Quelle sera demain la place de l’humain dans le monde des « ressources humaines » ?

Utilisés en premier lieu dans l’industrie, les robots élargissent en effet désormais le scope de leurs compétences. De la fabrication des voitures, les robots ont ainsi évolué vers des tâches plus « intellectuelles ». Vera a notamment beaucoup fait parler d’elle pour son implication dans les RHs de grands groupes tels que L’Oréal ou Ikea.

Alors que l’expérimentation chez ces dernières a finalement été peu concluante, l’utilisation de l’Intelligence Artificielle (ou IA) soulève une question importante : doit-on craindre la robotisation en entreprise ?

Vera, le robot qui prend la place du recruteur

Créée par une startup russe – Stafori – Vera a pour mission de trouver les meilleurs profils parmi un pool de candidats et d’établir un premier contact avec eux. Le robot effectue donc une pré-sélection et se charge de leur faire passer un premier entretien.

Utilisant des techniques de reconnaissance vocale avancées, Vera peut ainsi reconnaître les réponses des candidats grâce aux 13 milliards de phrases et de mots sur le thème du recrutement qu’elle a « appris ». Les réponses sont ensuite intégrées dans son algorithme afin de juger de la compétence et compatibilité des candidats.

Vera peut faire passer 1000 entretiens en simultané, par téléphone ou Skype. Son budget représente 1/3 des coûts classiques alloués au recrutement. Devant des réductions de coûts importants, tous ne sont cependant pas convaincus.

Déployée notamment dans les filiales russes de L’Oréal et d’IKEA, Vera n’a finalement pas séduit ces dernières. Les multinationales n’ont pas choisi de renouveler l’essai ni de l’étendre à leurs autres filiales. La responsable de l’innovation de L‘Oréal a en effet communiqué une différence de vision entre la startup et le groupe de cosmétiques, qui ne souhaite en effet pas remplacer ses recruteurs (150 au niveau mondial) mais plutôt « amplifier leurs capacités humaines ».

 

Il semblerait donc que malgré des propositions d’économies de ressources importantes, les entreprises adoptent une approche prudente et prennent le temps de peser toutes les conséquences d’une possible robotisation des RHs.

La robotisation permet de gagner en efficacité sur les recrutements

Vera n’est pas le premier ni le seul exemple de technologie utilisée dans les entreprises pour le recrutement. Chatbot, IA et robot en tout genre sont en effet mis en place dans diverses entreprises : 95% des grands groupes les utiliseraient ainsi pour effectuer une première sélection des postes de manager.

Les ATS – pour Applicant Tracking Systems – sont en effet utilisés pour screener les CVs. En cassant la mise en forme des documents reçus, ils peuvent « scraper » (récolter) les informations qu’ils contiennent et les organiser en différentes catégories : formation, expérience, compétences, etc. Les mots clés récoltés sont ensuite mis en parallèle avec les mots clés sélectionnés par le recruteur. Un pourcentage de compatibilité est calculé par la machine, qui fait ressortir les profils qui correspondent le plus aux besoins de l’entreprise.

Cette automatisation permet aux recruteurs et aux entreprises d’être plus efficaces : ils gagnent du temps sur cette première étape très chronophage, tout en étant sûr de ne pas passer à côté de profils intéressants. On est donc bien ici sur l’idée d’augmentation des capacités du recruteur – et non pas son remplacement.

Un manque de sensibilité problématique ?

Mais s’il fait gagner en efficacité, ces outils ont tout de même leurs limites : ils n’ont pas la sensibilité humaine essentielle au recrutement. Ce qui est à la fois un problème et un avantage.

Au niveau des CVs, la façon dont les informations sont récupérées limitent en effet les nuances dans le vocabulaire. Si le mot clé n’est pas précisément écrit comme l’a renseigné le recruteur dans l’ATS, alors le CV sera jugé à tort comme peu compatible. En ayant connaissance de ces nouvelles règles, il est toutefois possible à la fois pour les recruteurs et les candidats de faire preuve de rigueur et d’être précis dans leurs choix de mots. Titres, mises en formes et mots-clés utilisés doivent être choisis stratégiquement.

Cette double contrainte – candidater avec un robot en tant que premier lecteur et un recruteur en second – est un prérequis qui peut ôter du naturel à un format qui est déjà parfois critiqué pour son côté formel.

De l’autre côté par contre, le manque de sensibilité des robots peut être une bonne chose pour les candidats comme pour l’entreprise. Puisqu’ils sont objectifs, ils ne sont en effet pas biaisés comme le sont – inconsciemment – les êtres humains. Puisqu’ils sont paramétrables, il est par ailleurs possible de les utiliser afin de favoriser la diversité des profils recrutés. La discrimination positive couplée à une première sélection objective peut ainsi permettre d’introduire plus de diversité dans l’entreprise, ce qui lui permet d’être plus égalitaire, inclusive, mais aussi productive.

Un débat qui n’est pas nouveau

Comme tout changement, l’arrivée de robots dans l’entreprise peut faire peur. L’automatisation des tâches apparaît comme une menace auprès de certains, qui ont peur de voir leur emploi supprimé.

Alors que les Intelligences Artificielles sont relativement nouvelles, la question du danger de la robotisation de l’entreprise est ancienne. Depuis la Révolution Industrielle, l’introduction de machines dans les usines, la question de l’automatisation des entreprises revient en effet régulièrement.

D’apparence destructrice, les machines en elles-mêmes ne sont pourtant pas à craindre ; elles sont au contraire là pour améliorer la qualité de vie de tous. Elles permettent en effet de déléguer des tâches répétitives, chronophages ou dangereuses afin que la matière grise humaine soit utilisée pour des tâches à plus forte valeur ajoutée.

Schumpeter parlait déjà de cette « Création Destructrice » dans les années 40. Il en est de même aujourd’hui : en automatisant la première phase du recrutement, les robots permettent aux RHs de se concentrer sur leur véritable mission – la détection et le développement des talents dans l’entreprise. Ce sont ces tâches qui font véritablement la différence au sein de l’entreprise.

Loin d’être un danger, l’arrivée de robots dans l’entreprise peut ainsi être perçue comme une opportunité. Au même titre que le digital, l’Intelligence Artificielle facilite la vie des salariés tout en augmentant les performances de l’entreprise. Lorsqu’ils sont bien introduits en interne, les robots sont donc un gage de compétitivité.

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