Test MBTI : les personnes rentrent-elles dans des cases ?

Gnothi Seauton, « Connais-toi toi-même », était-il écrit sur la porte du temple de Delphes. Grande thématique platonicienne multimillénaire s’il en est, la connaissance approfondie de soi, l’introspection, continue de nous habiter. On le voit avec l’émergence du développement personnel, du besoin de repères, de role-models. Même le développement de l’intelligence artificielle, permettant une hyper-personnalisation accrue, en est une illustration : l’individu est replacé au centre. Et accessoirement, les neurosciences, dans tous les domaines, accompagnent ce besoin de connaissance.

Evidemment, le monde des RH n’est pas épargné par ce mouvement de fond. Du côté des recruteurs, avec l’importance croissante prise par les soft-skills, on a désormais tendance à privilégier le profil d’un candidat à son CV. En outre, les évolutions liées au contexte du monde du travail, de plus en plus hybride, impose une vigilance beaucoup plus fine quant à la personnalité, au bien-être psychologique de ses collaborateurs. Il est en effet bien plus difficile d’appréhender des signaux faibles à distance, où l’on ne peut voir les communications para et non-verbales.

Du côté des collaborateurs eux-mêmes, des transformations sensibles émergent : quête de sens, quête d’utilité plus encore que de sécurité, apparition des slasheurs… La liste est longue. En tous les cas, le temps où la carrière au sein d’une seule et même entreprise était un objectif universellement prisé semble bel et bien révolu. Le besoin d’épanouissement, s’il ne supplante pas le travail, en est devenu une condition sine qua non.

Si la nécessité de se connaitre soi-même s’accroît, donc, le fait de connaître les autres est d’autant plus prééminent. Comprendre leur caractère, leurs motivations, leurs façons d’agir… Néanmoins, ce besoin de compréhension d’autrui peut sembler titanesque tant chaque personne est singulière. Pourtant, des sortes de boussoles, de traits de -bonne- lecture, s’imposent en force. Parmi elles, le test MBTI, pour Myers-Briggs Type Indicator, ou test des 16 personnalités. Nouvelle lubie ? Véritable clé de compréhension d’une personne afin, dans le domaine des RH, de lui permettre de s’épanouir pleinement dans ce qu’elle entreprend ? Penchons-nous sur le test à la mode.

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Retour aux sources de la classification de la personnalité

Si la question « qui suis-je ? » anime l’humanité depuis sa création, l’étude approfondie de la personnalité et des comportements est assez récente : depuis exactement un siècle en 2021. On doit ces fondations au psychiatre suisse et disciple de Freud, Carl Jung. C’est lui qui le premier aura mêlé sciences humaines et psychologie afin de mettre en lumière les grands phénomènes. C’est également lui qui aura été le pionner des types psychologiques.

En 1921, dans son ouvrage Les Types Psychologiques, Jung met en lumière la façon spécifique d’agir qu’à un individu. Nos méthodes d’actions sont déterminées par quatre processus mentaux : pensée, intuition, sensation, sentiment ; et deux sources d’énergie : introversion et extraversion. Attention toutefois, les termes techniques, ici, s’ils sont authentiques, ne sont pas à prendre au pied de la lettre. Ainsi, l’introversion n’est pas synonyme de timidité ou de passivité.

Etudions d’abord les sources d’énergies, justement. L’extraversion sera la faculté de puiser son énergie à l’extérieur : auprès des autres, d’un contexte particulier. A l’inverse, une personne introvertie puisera ici son énergie en son for intérieur : sa prise de décision sera déterminée par l’influence de son propre vécu, de son propre système de valeur.

Après les sources d’énergie, abordons maintenant les quatre processus mentaux, ou fonctions psychologiques. Carl Jung résumait ces quatre processus ainsi : « La sensation (c’est-à-dire, le sentiment de perception) vous dit que quelque chose existe ; la pensée vous dit ce que c’est ; le sentiment vous dit si c’est agréable ou pas ; et l’intuition vous dit d’où il vient et où il va.» Si l’on rentre davantage dans les détails, cela donne :

  • La sensation (S): permet de percevoir factuellement quelque chose, une situation donnée. La sensation permet de s’attacher aux détails, au moment présent tel qu’il est. Cela implique donc des faits clairs.
  • La pensée (T, pour thinking): on reste ici dans le factuel. La pensée, ou réflexion, permet d’aborder un problème, une situation donnée, à l’aune de la logique. Par ce biais, on est amené à prendre des décisions rationnelles, après analyse objective de la situation.
  • Le sentiment (F, pour feeling): contrairement à la pensée, l’analyse est ici subjective. Mais cela n’implique pas une prise de décision dictée par l’émotion. Simplement, chaque action, chaque décision est prise en fonction d’un système de valeur, d’une morale, propre à chacun. En schématisant, la pensée revient à se demander si quelque chose est « vrai ou faux », tandis que le sentiment tournera la question en « bien ou mal ».
  • L’intuition (N): d’après Jung, c’est une fonction avant tout inconsciente. Comme son nom l’indique, c’est ce que l’on pressent. Ici, les concepts priment sur les faits concrets, les enjeux et implications potentiels dominent le présent. C’est d’une certaine manière notre capacité à appréhender, voire imaginer le changement.

En passant en revue ces quatre processus, on distingue instinctivement deux oppositions évidentes. La sensation, concrète, s’oppose à l’intuition, abstraite. De la même manière, la pensée, objective, est en opposition au sentiment, davantage subjectif.

Pour Jung, ces deux oppositions sont normales : la sensation et l’intuition désigne notre mode de perception du monde, notre mode de recueil d’informations, « comment je vois une situation ? ». Quant à  pensée et au sentiment, ce sont nos mode de jugement, « comment je traite une situation ? », « sur quelle base, selon quel logiciel agir ? ».

Chacun d’entre nous, donc, aura un mode de perception et de jugement dominant, qui définira directement notre mode de personnalité. Tout comme la source d’énergie, externe -extravertie- ou interne -introvertie.

Il existe donc au final, selon les théories de Carl Jung, huit « fonctionnements » cognitifs possibles : sensation introvertie, sensation extravertie, pensée introvertie, pensée extravertie, etc. Ces fonctionnement, donc permet d’analyser et définir de quelle manière une personne donnée se « nourrit » pour agir, comment va-t-elle observer la situation, et pour finir en vertu de quoi va-t-elle prendre une décision ? Myers et Briggs, dans les années 60, viendront compléter les analyses de Jung.

Et pour les RH, concrètement ?

Il est essentiel pour un RH de cerner la psychologie, les motivations et les méthodes des personnes, que ce soit dans le cadre d’un recrutement ou pour l’accompagnement d’un collaborateur déjà en place. Cette notion psychologique permet de mettre la bonne personne au bon poste, mais également à l’inverse de donner les bonnes missions, le bon environnement de travail au bon collaborateur. Cela facilite l’émergence d’équipes pertinentes et efficaces, surtout en mode projet, afin d’unir non seulement les compétences, mais également les forces de chacun. Pour ce faire et être plus complet, nous vous proposons de passer revue les huit différents types de personnalités mis en lumière par Jung, avec leurs forces et faiblesses, appliquées au monde du travail.

  • Sensation extravertie : le collaborateur recueille les faits observables, sera le plus « dans le moment ». Il sera le plus minutieux dans l’analyse d’une situation ou un fait concret et présent.
  • Sensation introvertie : ce profil sera le plus observateur. Il va puiser dans ses propres souvenirs pour décrypter une situation donnée. Il aura une bonne capacité de concentration ou de responsabilisation par exemple.
  • Intuition extravertie : le collaborateur crée des liens entre les informations qu’il recueille et propose ainsi de nouveaux logiciels, de nouvelles façons de faire. Il sera par exemple très adapté pour des brainstorming, ou pour des missions créatives.
  • Intuition introvertie : La personne sera davantage déterminée dans l’accomplissement de ses objectifs, acquiert une certaine expertise en creusant à fond un domaine. Cet type de personne nécessite quant à lui de pouvoir se baser sur des prérequis avant de proposer des solutions (i.e. qu’est-ce qui a déjà été fait et comment ?).
  • Sentiment extraverti : ce profil voit le monde par le prisme de critères moraux. Il sera donc très empathique. Il peut ainsi être un atout en organisation de groupe.
  • Sentiment introverti : ce type de collaborateur priorise les valeurs personnelles. Il est assez idéaliste donc, et cohérent entre ses actions et ses principes.
  • Pensée extravertie : le collaborateur cherche à rendre une action, un groupe plus efficace. Il sera donc un atout dans tout rôle de coordination.
  • Pensée introvertie : il cherche des principes et une cohérence dans le monde des idées. Il aura une très bonne capacité à assimiler des concepts complexes et à les vulgariser. Il sera cependant peu influençable.

Les apports de Myers et Briggs, aux origines du MBTI

Katherine Cooks Briggs et sa fille Isabelle Briggs Myers, toutes deux psychologues, vont reprendre les théories de Jung, en proposant d’aller plus loin. Si Jung observait qu’en définitive il y a avait des profils plus rationnels que d’autres sans toutefois le théoriser vraiment, Myers et Briggs ont choisi de développer la dichotomie entre la perception et le jugement pour dégager un nouvel axe : le mode de vie, d’organisation d’une personne. Elles proposent donc de ne plus s’arrêter aux modes de prise de décision, mais incluent également l’action elle-même.

Ainsi, une personne ayant la « perception » (P) extravertie sera davantage adaptable qu’une personne avec le « jugement » (J) extraverti, qui sera en revanche plus organisée.
L’ajout de cette nouvelle dimension « perception/jugement » amène donc non plus huit, mais seize types de personnalités possibles. Ces types de personnalités étant nommés en fonction de l’acronyme de chacun de ces 4 axes : E ou I pour la source, d’énergie dominante ; S ou N pour la prise d’information ; F ou P pour la prise de décision ; et enfin P ou J pour le mode d’action. Ce qui donne les fameux types ENFP, ISFJ…

Ainsi, notre personnalité est induite par une fonction dominante, puisant sa source en interne ou à l’extérieur, une autre auxiliaire, et une méthode d’action.

Pour pouvoir déterminer le type de personnalité d’une personne, Myers et Briggs ont élaboré un questionnaire, comportant entre 93 et 222 questions, effectué aujourd’hui par plus de deux millions de personnes par an. Cela permet ainsi de pouvoir mettre en lumière de façon non manichéenne -nous ne sommes pas ou sensitifs ou intuitifs, mais nous aurons tendance à avoir une sensibilité plus développé que l’intuition par exemple- les caractéristiques de de notre personnalité.

Pour ce faire, plusieurs options sont possibles. Myers et Briggs ont déposé leur questionnaire MBTI, de sorte que vous pouvez passer par la fondation qu’elles ont créée. Les règles ici sont claires et strictes : par exemple, vous ne pouvez pas imposer un questionnaire MBTI officiel dans un processus d’entretien d’embauche, et il est nécessaire de passer par un entretien avec un analyste certifié pour aller au-delà du questionnaire. En revanche, passer par la Fondation Myers Briggs est payant.

Toutefois, il existe de nombreux autres sites et solutions, n’incluant que le questionnaire, qui sont gratuit et permettent déjà de voir laquelle des 16 personnalités MBTI a-t-on. Cela peut donc constituer une première grille de lecture utile.

Sérier n’est pas jouer ?

Nous l’avons vu, le MBTI est un bon moyen de mieux cerner la personnalité et les modes d’aspirations de chacun. Néanmoins, malgré l’engouement, et des bénéfices réels, ce n’est pas une vérité absolue, une recette magique. Plusieurs critiques ou faits sont à prendre en compte, tant sur le fond que sur la forme.

Tout d’abord, à mesure que le phénomène MBTI prend de l’ampleur, de nombreux chercheurs s’intéressent de plus en plus en détail à cette série de personnalités types, et à leur construction. Pour simplifier, outre tout ce que nous avons d’ores et déjà vu avec Jung et le MBTI, il existe une sorte de classification par degré d’importance de nos quatre fonctions cognitives de préférences : la fonction dominante, l’auxiliaire, la tertiaire et l’inférieure. Or il existe des liens d’opposition ou de complément entre ces fonctions selon leur importance. Ainsi, pour Jung, la fonction tertiaire devait s’opposer à la dominante. Pour Briggs et Myers, à l’inverse, la fonction tertiaire vient en complément de la dominante. Aujourd’hui, la question de l’ « orientation » de cette fonction tertiaire n’a pas été tranchée. De même que le poids de la fonction tertiaire, qui pourrait être bien plus importante qu’on ne le pense.

Par ailleurs, au-delà même de ces disputes « universitaires », le MBTI, tout comme les autres tests similaires, ne représente qu’une sorte de photographie à un instant T. Ce ne peut être abordé comme une vérité absolue. D’autant plus que la grande diversité de tests existants, officiels ou non, brouille les pistes et peut amener plusieurs résultats successifs très différents pour une seule et même personne. En outre, le MBTI n’ayant pas de valeur scientifique en tant que tel -d’où la communication de la Fondation Briggs Myers sur le fait que le MBTI est un questionnaire et non un test stricto sensu, celui qui l’analyse doit éviter tout manichéisme : il n’y a ni bonne, ni mauvaise réponse, et encore moins de conséquence définitive.

Malgré cela, pour décoder la personnalité d’une personne, le MBTI, tout comme les autres tests idoines, sont de bons outils de lecture et de compréhension. D’une certaine manière, si la personnalité d’une personne était un livre, le MBTI en serait la quatrième de couverture.

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