Comment mesurer la durabilité de son organisation ?

La première définition du développement durable remonte à 1987 avec le rapport Brundtland. Le concept de durabilité était alors caractérisé comme « un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs ». Si cette définition a l’avantage d’être très large et généraliste, elle en a aussi les faiblesses. Comment véritablement dégager les aspects concrets ? Et surtout, dans notre domaine des ressources humaines, comme appliquer le développement durable ? Quelles mesures prendre et comment les suivre, comment mettre des KPIS ?

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Car il ne suffit pas de remplacer les gobelets en plastiques de la machine à café par des tasses personnelles afin de réduire les déchets produits par la vie quotidienne au bureau. D’une part, le développement durable va bien au-delà de l’impact environnemental. D’autre part, ces actions, si elles restent des gestes bénéfiques, ne permettent pas à elles seules de dégager des stratégies globales et claires. 

Par ailleurs, de nombreuses nouvelles notions clés, assez équivalentes au concept de développement durable, peuvent parfois brouiller les pistes : régénération, RSE, RSO, ESG… 

En matière de ressources humaines, nous nous focaliserons donc sur la GDRH, la gestion durable des ressources humaines. Nous tâcherons de tirer les grands traits d’une mesure de la durabilité efficace, pour les grands groupes comme pour les PME, pour lesquelles nous savons bien que le passage à l’action est plus difficile, entre des nécessités à court-termes qui viennent compromettre l’agenda « durable », par définition plus long termes, et actions plus informelles. 

De la gestion RH à la gestion durable des RH

Comme pour la notion de développement durable, la GDRH, ou gestion durable des ressources humaines trouve sa source dans les textes « fondateurs » de la durabilité : le Rapport Brundtland de 1987, autrement appelé « Notre Avenir à tous ». Plus précisément, le chapitre 4 entend mettre en valeur le « potentiel humain » : que ce soit en externe, avec les populations, ou internes à l’entreprise, avec les collaborateurs. Mention y est faite de l’importance de préserver la santé des personnes, ainsi que le développement de l’emploi local. La déclaration de l’ONU pour l’Agenda 21 viendra compléter cette mise en valeur, en parlant d’« établissement humain » pour les organisations. Néanmoins, au-delà de ces principes généraux montrant l’importance à accorder aux collaborateurs, on peut trouver une application et une définition plus précise quant au domaine des RH.

Les 8 commandements de la durabilité selon l’AGRH

L’AGRH, association francophone de la gestion des ressources humaines, met en lumière 8 principes d’ordre environnementaux, sociaux et économiques, qui régissent la GDRH.

Au point de vue environnemental, il s’agit pour les RH de favoriser les bonnes pratiques : lutte contre le gaspillage, covoiturage, transports en commun… 

Pour le volet social, il s’agit d’accorder de l’importance à trois thèmes. Il faut tout d’abord une bonne prise en compte de l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle, tout en se souciant plus globalement de la santé mentale, la fameuse santé bio-psycho-sociale des collaborateurs. Ensuite, il est impératif de de favoriser l’employabilité de chacun, en personnalisant également les conditions de travail. Cela peut par exemple passer par l’accès démocratique à des formations sur-mesure tant sur le fond que sur la forme pour les apprenants. Enfin, il faut s’assurer du respect de la diversité au sein de ses équipes, en luttant contre les discriminations et en établissant au mieux une égalité de traitement entre les différents collaborateurs.

Concernant l’aspect économique, il convient, selon l’AGRH, de valoriser la responsabilisation de chacun. 

Pour toutes ces considérations, Calisti et Karolewicz, auteurs du livre RH et développement durable : Une autre vision de la performance, donnent une culture primordiale à insuffler auprès des collaborateurs d’une organisation : la notion d’apprenance.

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Les 4 clés d’une culture d’apprenance

Dans cet ouvrage, Bernard Calisti et Francis Karolewicz mettent en lumière les bénéfices du concept d’apprenance dans une logique de développement durable. Pour eux, la culture de la durabilité passe par une grande faculté d’adaptation à un environnement changeant, et donc, une grande capacité d’apprentissage permanent. D’autant plus que les collaborateurs doivent être vus comme un « potentiel humain » à développer. La notion d’apprenance se définit comme suit : « permettre à une personne de trouver du sens à l’acte d’apprendre ».

Concrètement cela peut se décomposer en quatre points cardinaux :

  • Savoir se relier à son environnement
  • Savoir Innover pour s’adapter
  • Avoir une vraie culture du partage pour apprendre ensemble et de tout le monde
  • Pour favoriser les premiers points, il faut en définitive savoir se réorganiser en profondeur 

Une fois cette culture d’apprenance mise en place, on peut alors tenter de mesurer la durabilité de son organisation ainsi que son évolution.

Les outils pour mesurer la durabilité de son organisation

Avant toute chose, précisons qu’il n’existe ni recette magique, ni processus universel. Le développement durable recouvre une grande diversité de paramètres, et par conséquent c’est à chaque organisation de trouver sa bonne formule, en fonction de ses caractéristiques propres et de ses enjeux. En outre, la durabilité est parfois difficilement appréhendable et quantifiable. 

Néanmoins, il est possible de s’inspirer de modèles théoriques, en reprenant vos données internes. La partie sociale est la plus simple à traiter. Vous pouvez d’ores et déjà effectuer un état des lieux en analysant et compilant vos différentes données RH quotidiennes : quel est le turn-over, le taux d’absentéisme, l’évolution du nombre de collaborateurs ? Quelles inégalités persistent, en terme de salaires par exemple ? Toutes ces données peuvent vous fournir un premier aperçu.

Mener l’enquête en interne

Il peut être complété par différentes enquêtes que vous pouvez mener en interne. Sylvie Guerrero, professeure à l’École des Sciences de la Gestion de l’Université du Québec, établit trois approches empiriques pour ce faire : macro, micro et meso.

L’approche macro consistera à mener l’enquête auprès de la direction pour mesurer l’impact des pratiques RH sur les performances mêmes de l’entreprise. L’approche micro, à l’inverse, sera menée auprès des collaborateurs afin de mesurer l’impact des attitudes et comportements de chacun. Enfin, l’approche meso sera conduite à la fois auprès de la direction et à la fois auprès des collaborateurs. Cette dernière permettra de tester l’ensemble des modèles et les solutions apportées.

Différencier ce qui est au cœur de la stratégie des actions ponctuelles

En dehors de ce triptyque d’approche, il est aussi judicieux d’aborder tous les impacts qu’a une organisation, aussi bien des mesures « intégrées » à leur stratégie d’affaires que « hors-business », comme l’affirment la chercheuse en management à Dauphine Françoise Quairel et Marie Noelle Auberger. Par « hors-business », on entend des mesures prise de manière conjoncturelle, voire individuelles, détachée d’une stratégie claire et structurelle. 

Or une étude intéressante montre que seulement 26% des entreprises hexagonales mettent la durabilité au cœur de leur stratégie globale. Pourtant, on voit fleurir partout, au sein des organisations, des mesures en faveur du développement durable. Cela montre bien le fossé qu’il peut exister entre les faits concrets mais ponctuels et la culture globale de long terme. Il faut donc étudier minutieusement si nos actions en faveur de la durabilité s’inscrivent ou non dans un projet global et structurel. D’autant plus que la grande majorité des actions menées par ces organisations, selon la même étude, consistent en du mécénat ou du sponsoring. Stratégie plutôt passive, donc.

A l’inverse, d’autres entreprises ont clairement décortiqué et structuré tous les impacts de leur activité sur la durabilité. Ainsi, le groupe Volkswagen a dès 1995 mis en place un grand plan structurel en faveur du développement durable. Mais il ne s’agit pas simplement de promouvoir des biocarburants à l’époque, ou des véhicules électriques aujourd’hui, c’est tout le cycle de vie des produits Volkswagen qui doit être analysé, des étapes de conceptions à la mise en casse des véhicules et leur « recyclage ». Pour toutes ces actions, le géant de l’automobile a reçu le Prix Européen de l’Environnement, décerné par la Commission européenne.

Aborder ses actions durables comme des lois

Enfin, dernière piste de mesure, évaluer chaque règle mise en place. L’étude Vers un modèle de GRH durable, publiée par la Haute Ecole d’Ingénierie et de Gestion du Canton de Vaud, propose d’étudier ces règles à l’aune des pratiques juridiques. A savoir qu’il faut déterminer si une règle établie est 

  • Effective
  • Efficace
  • Efficiente

Par effective, on entend évidemment qu’elle soit mise en pratique et puisse être appliquée par tous.  L’efficacité d’une règle se mesure en regard des objectifs poursuivis. Enfin, une règle sera efficiente s’il est possible d’en mesurer le coût d’application vis-à-vis des bénéfices (matériels ou non) attendus. En quelque sorte, élaborer une règle efficiente revient à dire « on ne pourra faire mieux ».

Comparaison peut être raison

Après avoir vu les outils ou pistes de mesures internes de la durabilité de votre organisation, il est essentiel d’avoir également des méthodes de comparaison plus globaux, par rapport aux autres organisations. Le développement durable sera réussi lorsqu’il sera globalement partagé. Il faut donc faire déborder son analyse « hors les murs ». C’est évidemment complexe, puisqu’il y a autant de bonnes pratiques potentielles que d’organisations. Néanmoins, de nombreuses normes et certifications sont apparues pour sanctionner les entreprises durables : ISO, EFQM, GRI… Que vous souhaitiez avoir ces certifications ou non, elles constitueront un bon outil d’analyse de sa situation, en examinant les prérequis à avoir. Passons les principales en revue.

ISO

L’ISO, Organisme International de Normalisation, a établi deux familles de normes pour les bonnes pratiques durables des organisations : les normes ISO 14000, notamment la norme 14001 pour le management, et les normes ISO 26000. La norme 14001 décrit avec une approche holistique ce que doit être un bon système de management environnemental. Elle s’appuie sur le principe de la roue de Deming, bien connu dans le monde de la gestion qualité : Planifier, Développer, Contrôler, Ajuster. Au-delà de cette norme axée sur l’impact écologique des organisations, les normes 26000, apparues en 2010, viennent couronner les bonnes stratégies RSO. L’ISO 26000 est la première famille de normes à destination de la responsabilité sociale et environnementale des entreprises au monde.

SAI

Si l’on se concentre davantage sur les pratiques RH, la norme SA 8000 est la plus pertinente. Ici, les bonnes stratégies sociales ne concerne pas que l’organisation à certifier, mais tout l’ensemble de sa chaine de production, avec ses fournisseurs, sous-traitants mais aussi son service après-vente. C’est donc un bon moyen d’auditer tout le cycle de production, tant interne qu’externe.

EFQM

En dehors de ces normes bien établies, il existe d’autres initiatives venant sanctionner les bonnes pratiques en matière de développement durable. On peut reprendre à ce titre les 9 critères du Prix d’Excellence de l’European Foundation for Quality Management pour auto-analyser les pratiques managériales de son entreprise, quand bien même prix dépasse le cadre strict de la gestion durable. 

GRI

On peut enfin se référer aux indicateurs GRI. La GRI, ou Global Reporting Initiative, créée en 1997, a pour but d’auditer les performances en matière de développement durable des organisations de tous ordres. Elle en publie ensuite des indicateurs intéressants sur les trois axes du développement durable : économique, environnemental et social. Pour se focaliser sur les ressources humaines, la catégorie « pratiques en matière d’emploi et de travail décent » est à privilégier.  

Maintenant, c’est à vous de jouer et de trouver votre bonne formule !

Si vous souhaitez en savoir davantage sur l’apprenance dans une organisation, nous vous conseillons de visionner le replay de notre webinaire sur ce sujet.

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